vendredi 15 mai 2020

L'inutile regard des autres...



Je reçois cet email du fondateur d'une jeune et dynamique marque de vêtements. Son idée : le confinement nous a conduit à repenser notre vision sur le vêtement et la question qui s'est posée : pourquoi s'habiller, voire s'appliquer à bien se vêtir si personne n'est là pour le constater ?
En ce qui me concerne, je ne m'habille pas pour que cela se voit ou pour recevoir une approbation ou une quelconque reconnaissance de la part de mon entourage. Je m'habille pour moi-même. 
J'ai, par exemple, fait l'acquisition récemment d'une chemise dans un tissu de la maison Shibaya, tisseur japonais (très) confidentiel de la grande banlieue d'Osaka. Pensez-vous que cela se voit ? que les gens qui m'entourent en ont quelque chose à faire ? Il est bien certain que non ! Tout au plus, une ou deux personnes un peu averties se diront que voilà un beau tissu et passeront immédiatement à autre chose.
La valeur de cette chemise et de son tissu est avant tout personnelle. C'est parce que je sais d'où vient ce tissu, son histoire, sa composition, sa qualité et parce que je fais confiance en la société qui l'a conçue et manufacturée, que j'ai du plaisir à la porter. La regarder me rappelle un savoir-faire séculaire (Shibaya tisse depuis 1907), et me donne un toucher d'exception, des reflets et des textures rares... C'est de l'art sur soi et ce n'est pas rien ! Parce que porter du beau oblige à agir en conséquence ! Je ne dis pas que c'est toujours le cas et ils sont nombreux à porter du Hermès et à rester de fieffés salauds, mais c'est au moins une incitation. 
Quoiqu'il en soit, cette conscience ne peut qu'amener à ne pas porter de vêtements fabriqués dans des ateliers ignobles des fins fonds de Dacca... à s'ouvrir à ce qu'est un vêtement, à ses origines, à sa fabrication. Une prise de conscience conduisant à une autre, à réaliser que tout est connecté et que la planète et le monde peuvent changer une bonne décision après l'autre...

Nous ne devrions pas faire les choses pour ce que cela nous rapporte et pour l'effet que nous pensons que cela produira, mais au contraire, faire les choses pour ce qu'elles nous donnent de joie, de plaisir, de cohérence... Lorsque je mets un vêtement dont je connais l'histoire, l'origine, la qualité, la matière, que je l'assemble avec une autre pièce et que cela créé un bel effet de couleur, de matière, d'harmonie, que cela plaise autour de moi n'est que la cerise sur le gâteau ! Ce bel effet, il est d'abord et avant tout pour moi ! Pour ce que cela me procure de bien être ! La démarche est égoïste. Et c'est bien le moins ! 
Comment m'habillerais-je si je devais me soucier de ce que les autres vont en penser ? Je n'en ai aucune idée. Sans doute porterais-je des Stan Smith et ce serait un peu le début de l'Enfer !! Je m'habille comme il me plaît et moins ils sont là à me regarder plus il m'importe de m'habiller au mieux, pour garder à mes yeux cette stature, cet élan d'élégance auquel j'aspire. Et pour cela, le regard d'autrui ne compte pas.

Cela va bien au delà du vêtement. La musique que je compose ne se soucie pas des attentes de l'industrie musicale. Quelle musique composerais-je si je voulais être écouté par le plus grand nombre ? : du Guetta, du Bieber ? Je ne juge pas de la qualité de ces musiques, je constate leur manque d'altérité, d'intensité, de point de vue. Elles plaisent au plus grand nombre et elles en payent le prix : elles ne suscitent aucune passion, aucune intensité, aucun débat...
De même, je ne rédige pas les billets de ce blog le regard rivé sur le compteur de "pages vues". Cela ne m'intéresse que modérément. Je propose chaque billet en fonction de ce qui me semble important ou intéressant, pas en fonction de ce qui rapportera le plus de trafic, sinon je commencerais dès maintenant à mettre en ligne des photos d'hommes et de femmes en maillots de bains et je me concentrerais sur des sujets comme la perte de poids ou les pilules miracles pour gagner du muscle en restant couché !

Notre devoir est de faire, de créer. De nous montrer. De prendre le risque d'affirmer notre originalité. Cela ne peut exister qu'en fonction de qui nous sommes et de ce qui nous inspire. L'accueil qui sera fait à notre art ne nous appartient pas et ne devrait pas figurer au nombre de nos préoccupations. Dans quel monde vivrions-nous si Vincent Van Gogh s'était soumis à ce qu'on attendait de lui ? S'il s'était rendu à la loi du plus grand nombre, aux exigences du succès et de la gloire ? 

Aucun commentaire: