vendredi 26 décembre 2025

L'homme est fait pour courir : après la vérité !

J’ai écrit deux billets qui semblaient s’opposer.
Dans l’un, l’homme est fait pour courir.
Dans l’autre, l’homme n’est pas fait pour courir.

La demande m'a été formulée de savoir pourquoi exprimer deux opinions qui paraissent se contredire l'une l'autre à juste quelques jours d'intervalle !

Le sujet ne se cache pas dans la course, mais dans notre façon de regarder le monde.

Nous ne voyons pas la réalité telle qu’elle est.
Nous la voyons telle que nous sommes.
Ou plus exactement : telle que nous croyons qu’elle est.

La raison de ces deux billets tient en ces mots : biais de confirmation.

Nous cherchons, lisons, écoutons, sélectionnons tout ce qui vient confirmer ce que nous croyons déjà.
Un coureur verra des études sur les bienfaits de la course.
Un anti-course verra des genoux détruits et des lombaires usées.
Les deux auront raison.
Et les deux auront tort.

Non pas parce que les faits sont faux, mais parce qu’ils sont partiels.
Et surtout interprétés.

Ce biais est profondément humain.
Il rassure. Il stabilise. Il donne l’illusion d’un monde cohérent dans lequel j’ai raison et l’autre se trompe
L'illusion d'un monde dans lequel il n'y aurait qu'une réalité. "Ma réalité". 

Le problème commence quand vouloir avoir raison devient l’objectif. Quand vouloir convaincre l'autre que "Ma réalité" devrait aussi être la sienne. 

À partir de là, le dialogue n’est plus une rencontre, mais une tentative de colonisation.
Chacun ne parle plus pour comprendre, mais pour convaincre. Qui porte le mot "vaincre" et sous-entend la nécessité d'un vaincu. D'un con-vaincu. Ce qui ne plaira à personne !
Chacun défend sa carte du monde comme si c’était le territoire.

Or vouloir convaincre l’autre de ses croyances n’a, au fond, aucun sens.

Ce n’est pas possible, parce que les croyances ne sont pas des raisonnements : elles sont des constructions identitaires. Les attaquer, c’est attaquer la personne.

Ce n’est pas souhaitable, parce que la diversité des regards est précisément ce qui rend le monde habitable, riche, vivant.

Et ce n’est même pas intelligent, parce que l’énergie dépensée à avoir raison est presque toujours inversement proportionnelle à la qualité de la relation
Cette qualité de la relation qui devrait toujours être la préoccupation majeure de tout individu qui s'engage en conversation. Alors que ce n'est hélas que trop rarement le cas.

La vraie question n’est donc pas :
« Qui a raison ? »

Mais plutôt :
« Depuis quel endroit regardes-tu le monde ? »
« Qu’est-ce que cette croyance te permet de tenir, de protéger, de justifier ? »
« Et qu’est-ce que la mienne m’empêche peut-être de voir ? »

À cet endroit-là, quelque chose change.
Il n'est plus question de gagner, mais de comprendre. De prendre soin de ce qui constitue la réalité de l'autre. Ce faisant, de venir enrichir ma réalité perçue de tout un monde nouveau : la réalité perçue de l'autre. Cela sans rien perdre. Juste gagner tout un Monde nouveau.

Et parfois - souvent même - on découvre que deux visions opposées peuvent être vraies en même temps.
Non pas universellement.
Mais contextuellement.
Humainement.
Faire que "Ma réalité" et "Ta réalité", à un endroit donné, deviennent "Notre réalité". 

L’homme est fait pour courir.
L’homme n’est pas fait pour courir.

Les deux phrases disent moins quelque chose du corps humain que de celui qui les prononce.

Et c’est peut-être là, finalement, le vrai terrain d’exploration.

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