La voix.
C'est l'un de nos traits les plus significatifs, les plus présents à l'attention et à l'oreille des autres. Nous nous percevons par nos voix. Nous nous jugeons et jaugeons les uns les autres par l'intonation de nos voix. Une voix peut être rassurante, angoissante, vexante, hautaine...
Pourtant, si la photographie est largement répandue pour nous donner accès à une certaine forme de mémoire visuelle et nous aider à garder le souvenir visuel des grands événements de nos vies, il n'est pas fait grand chose pour nous aider à nous souvenir des sons de nos vies. Quelle était la voix de mon grand-père ? Quel était son accent ? Son rire ? Je n'en ai aucune trace. J'ai sauvé, in extremis, le dernier message de ma mère à mon père, quelques heures avant son décès et c'est un trésor que j'écoute parfois. La force de cette voix sur mes souvenirs et plus intense que toutes les photographies que je pourrais avoir gardées d'elle. Cette voix me renvoie à mon enfance, à tous nos instants partagés... Une voix rapproche, appelle des endroits de la mémoire auxquels la vue n'a pas accès.
Je suis tombé par hasard sur ce document fascinant. Dans cette vidéo, un parisien du quatorzième arrondissement s'entend pour la première fois. Nous sommes en 1912 et il est question de ce qu'est la vie à cette époque, mais aussi de voix, d'accents, celui de Montmartre et de la Villette qui étaient semble-t-il très différents... C'est la bande-son d'une autre époque. A l'écoute, je suis sidéré par la modernité de cette voix, par sa proximité avec les voix que j'entends tous les jours. C'est cette voix qui nous dit que nous, humains, n'avons pas vraiment changé, même si nos environnement, ce que nous donnons à voir, n'a plus grand chose à voir !