mardi 28 mars 2023

Cela m'est arrivé !

Il m'est récemment arrivé ce que tous ceux avec qui travaille en "Prise de Parole" redoutent... Le trou. Complet, sombre, dense, intense et interminable !

Ce qu'il s'est passé… :
Je dois animer une formation que je connais depuis de nombreuses années et que je maîtrise. Seule exception à mes habitudes : dans l'auditoire, une personne experte de mon domaine qui doit animer un atelier quelque temps après mon intervention.
Cela ajoute une petite pression, mais rien que je ne puisse gérer.
Tout se serait sans doute bien passé si le matin même, je n'avais décidé de reprendre ma façon d'animer certains passages. J'ai pensé malin, deux heures avant mon entrée sur scène, de modifier l'ordre de certains paragraphes, estimant que cela serait plus clair. Je me fais une courte fiche, 5 mots clés. Je pense que cela suffira.
La présentation commence... Parce que je me suis imposé un nouveau chemin, ma mémoire et mon cerveau sont importunés. Ils veulent tous les deux aller dans une direction, mais je leur en impose une autre. Arrive un moment où la puissance de l'habitude m'intime de prononcer un texte que j'ai déjà prononcé des centaines de fois. Malheureusement, ce texte, je l'ai dit en introduction. Le nouveau, celui qui devrait venir maintenant, ne vient pas. Mon cerveau se bloque. Ma mémoire se paralyse. Me voilà seul face à mon auditoire et rien ne vient ! J'ai déjà connu cette forme de vide. J'attends. Cela va revenir. Mais rien. Je n'ai devant mon regard intérieur que ces quelques mots que je me suis mis en tête ce matin et qui ne suffisent pas ! Je me retourne vers mes fiches. Cela aide, donne une contenance. Mais je sens que cela ne sera pas suffisant. Que je suis en état de choc. Je donne de ma technique habituel : l'aveu. Je reconnais devant mon auditoire que je suis en difficulté, sans me justifier. Que j'ai besoin d'une petite minute pour me recomposer et retrouver mes marques. Je respire un grand coup. Je retrouve un paragraphe de mon script que je n'ai pas encore donné. Cela redémarre. Enfin.
Mon intervention se termine. 
Je rumine cet accident pendant quelques heures. Déçu. Quelque peu honteux.
Puis cela passe. Je tourne assez rapidement la page.

Leçons. 

- Ne jamais préparer ou modifier quoi que ce soit à quelques heures de votre passage.
- Ne jamais présenter sans avoir répété deux ou trois fois, au moins, le contenu que vous avez prévu. Surtout s'il n'est pas celui que vous avez l'habitude de donner.
- Toujours avoir des fiches de qualité, quelles que soient les circonstances !
- Ne jamais s'agripper à une mauvaise expérience. Le pire arrive à tous. Même aux meilleurs. Passer à autre chose, vite et proprement. Ce que je raconte ici ne décrit en rien l'individu que je suis. Cela ne parle que de la qualité pathétique de la mémoire humaine, capable de choses formidables, mais si fragile ! Nous faisons tous au mieux avec un outil émoussé - parole de comédien ! Tous les comédiens ont peur du trou de mémoire, parce que cette mémoire n'est pas fiable et solide !
- Toujours se souvenir que tout passe ! Un jour au sommet, un jour au dernier rang. Rien de bien terrible. Tout ce qui nous arrive se produit dans le vivant. L'alternative serait la mort et cela ne vaut pas le coup !
- Garder en tête le courage qu'il a fallu pour aller au-devant de votre auditoire, pour accepter de vous montrer vulnérable et fragile devant eux. C'est de ce courage dont ils se souviendront, bien après s'être souvenus que vous avez eu un trou de mémoire !



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