mardi 9 décembre 2025

Se tirer une "bullet point" dans le pied...

Dans la vraie vie, nous ne parlons pas en liste. Nous ne pensons pas en liste non plus. Il est extrêmement rare d’entendre quelqu’un dire calmement : « premier point », puis développer, puis « deuxième point », puis « troisième point ». Ça n’existe quasiment jamais, parce que notre cerveau ne fonctionne pas de cette manière-là. Dans une conversation vivante, la pensée circule d’un exemple à l’autre, elle bifurque, elle revient, elle s’ouvre. Une idée en appelle une autre, une image déclenche un souvenir, une phrase fabrique déjà la suivante. On ne pense pas le point quatre pendant qu’on découvre à peine le point un. Pas dans la vie réelle, pas dans une parole spontanée, pas dans une situation ordinaire.

Et pourtant, dès que nous entrons dans un cadre professionnel, nous changeons subitement de langue. Nous devenons séquentiels, mécaniques, organisés à outrance. « Aujourd’hui, je vais vous présenter quatre points… » Et à partir de là, quelque chose se referme dans la salle. Ce n’est pas que ce qui va être dit manque d’intérêt, c’est simplement que ce n’est plus parlé dans la langue du cerveau humain. Notre cerveau ne traite pas le monde avec des listes, des graphiques et des puces. Il traite le monde avec des situations, des tensions, des renversements, des histoires.

Nous sommes des narrateurs bien avant d’être des analystes. Ce que nous retenons vraiment, ce n’est pas une structure logique, c’est une expérience. On se souvient de ce qui est arrivé à quelqu’un, de ce qui aurait pu arriver, de ce qui a basculé à un moment donné. C'est pour cela que, lorsque vous annoncez un plan en quatre parties, vous parlez peut-être la langue de l’organisation, mais vous ne parlez plus la langue de l’attention.

Le cerveau, lui, attend un mouvement, une trajectoire, un avant et un après, un problème qui cherche sa résolution. Il attend quelque chose qui se déploie, pas quelque chose qui s’additionne. C'est exactement pour cette raison que, si vous voulez vraiment qu’on vous écoute, il ne suffit pas de mieux structurer vos présentations. Il vous faut changer de régime de parole. Arrêter de présenter comme on classe des dossiers… et commencer à raconter comme on vit.

Cela s'apprend. Se maîtrise. Se développe.




Aucun commentaire: