Je viens d'avoir une
conversation avec l'un des artistes que j'admire le plus au monde. Je réalise
la chance qui est la mienne de pouvoir parler, échanger avec une personne qui a
dévoué des heures et des heures de son temps, de sa vie, à un art qui aujourd'hui
me touche, me transporte.
Lors de notre
dernier déjeuner, il me disait : "Je suis là, assis dans mon petit
atelier, à faire ce que je fais depuis des années et je me dis parfois qu'il
doit y avoir autre chose, que la vie ne peut pas être que ça… Pourtant je
continue, mais chaque jour, j'ai au moins une fois l'idée, l'envie,
d'abandonner… De retrouver le soleil, d'être en extérieur, de respirer. Enfin,
de respirer…"
Je le regarde et je
vois, alors que je l'écoute, tout ce que j'aime de son travail et je réalise ce
qu'il en a coûté de patience, de temps, de fatigue, de persévérance et à quel
point, en dépit de tout ce travail, ce n'est pas la paix qui est au bout, mais
plus de questions, plus de doutes…
Puis il me dit :
"Je vois tellement de talent autour de moi. Avec Internet, ce talent, tout
cet art, me saute à la figure… et je me sens tout petit…"
Que dire. Que si lui
se sent si petit, comment devrais-je me sentir ?...
Sans doute est-ce là
une conversation et des mots que j'aurais pu entendre si j'avais eu la chance
de déjeuner avec Beethoven, Coltrane, Einstein ou Michelange… Il n'y a pas de
bout, pas d'arrivée, pas de repos… Le travail appelle le travail et l'artiste
est appelé à travailler. Ce n'est pas qu'il n'a pas le choix, mais c'est la
mission qu'il se donne. Il y a ce besoin qui surpasse tout le reste. Avec la
nécessité chaque jour, chaque heure, de résister à l'envie d'abandonner, de résister à la résistance…
Il y a cette
grandeur chez l'Humain. Ce besoin de se donner à son œuvre. La force de ne pas
renoncer. L'humilité de ne pas se contenter du résultat. La grandeur d'avancer
sans savoir où cela mène, ni même pourquoi il est nécessaire d'avancer !