Il est dit que
Confucius demanda un jour à un nageur particulièrement doué comment il pouvait
nager dans des eaux aussi tumultueuses, là où pour n'importe qui d'autre, cela représenterait une mort immédiate. Confucius demande s'il a une méthode. L'homme
répond qu'il n'en a pas. Qu'il est parti du donné, qu'il a développé un naturel
et enfin atteint la nécessité. Il ajoute : "Je suis né dans ces collines
et je m'y suis senti chez moi : voilà le donné. J'ai grandi dans l'eau et je
m'y suis peu à peu senti à l'aise : voilà le naturel. J'ignore pourquoi j'agis
comme je le fais : voilà la nécessité".
Ces trois étapes
tiennent en trois mots : Kou, Sing, Ming *.
Tout apprentissage,
toute maîtrise, toute expertise nécessite ces trois espaces, ces trois temps.
Le temps de ce qui
est là, qui appartient au passé, ce qui est révolu (cause ?) : Kou.
Le temps de la
nature : la pleine réalisation des potentiels, des virtualités propres à un
être, réalisation que cet être atteindra ou pas : Sing.
Le temps de la
nécessité, de ce qui devient le mandat, l'ordre. Ce qui fait que l'être devient
son art et s'oublie dans ce qu'il fait : Ming (maître)
Pas d'excellence
sans ces trois temps, sans ces étapes…
Croire qu'il soit
possible d'atteindre la nécessité, le Ming sans passer par le Kou et le Sing
est illusoire, tout comme il serait illusoire de croire possible de parvenir à la maîtrise (Ming), sans le Kou et le Sing...
* : Emprunts à l'essai
de Jean-François Billeter : "Leçons sur Tchouang Tseu"